Reconstitution de la paléoécologie des ours des cavernes à partir de leurs squelettes
p. [103]-[116]
Résumés
Comme les Hominidés, les ours des cavernes, sous-genre éteint (Spelearctos) d'Ursidés, furent suffisamment adaptables pour habiter de vastes zones de l’hémisphère nord pendant le Pléistocène moyen et supérieur. Ces ours ont néanmoins développé une dentition spécialisée qui a accentué ses fonctions de broyage, impliquant une alimentation fortement axée sur les plantes dures et fibreuses. Afin de mieux appréhender la paléoécologie des ours des cavernes, cet article associe des approches ostéométriques, isotopiques et taphonomiques qui ont permis d'étudier un assemblage d'Ursidés provenant de la grotte de Yarimburgaz, en Turquie nord-occidentale. Les informations bibliographiques sur les relations entre régime alimentaire, hibernation et structure démographique des ours modernes fournissent des hypothèses utiles à cette investigation Le schéma de mortalité attritionnel de ces ours ainsi que l'état de leurs os montrent qu'ils sont pratiquement tous morts dans la grotte de causes non violentes, en contexte d'hibernation. Les techniques ostéométriques révèlent que leur sex-ratio adulte ne penche que légèrement en faveur des femelles. Ce schéma se place à une extrémité de la gamme complète des possibilités offertes par les ours des cavernes modernes et ne peut que refléter une alimentation fortement axée sur les plantes et Invertébrés saisonniers, indiquant ainsi que l'hibernation représentait une stratégie hivernale cruciale pour les deux sexes : les résultats sont en contradiction spécifique avec l'éventualité d'une orientation forte et régulière vers le gros gibier (chassé ou charogné) comme source alimentaire d'hiver. Le caractère de l'usure et des cassures présentées par les dents d'ours des cavernes adultes indique par ailleurs qu'ils se nourrissaient fréquemment de ressources cachées demandant a être creusées et fouillées, longuement mâchées, ce qui oblitérait complètement certaines couronnes de dents jugales chez les individus âgés. Les schémas de dommages dentaires du vivant corroborent les implications diététiques du sex-ratio adulte et plaident également en faveur d'un régime riche en matières dures et abrasives, telles les noix, tubéreuses, et impuretés associées. Les compositions isotopiques en carbone et oxygène de l'émail dentaire chez les ours des cavernes et les ours bruns du site sont virtuellement identiques, et aucune de ces espèces ne révèle d'indice marin élevé, alors que la grotte est proche d'un estuaire actuel de la mer de Marmara ; elles se ravitaillaient presque exclusivement dans les habitats terrestres et d'eau douce. Des pathologies osseuses, normalement dues à des traumatismes, apparaissent chez certains ours adultes et attestent de longues durées de vie pour quelques individus de cette population fossile. Les ours de Yarimburgaz présentent également un grand dimorphisme dimensionnel entre sexes, fondé sur les tailles des carpiens porteurs, où les mâles adultes atteignent grosso modo le double de la masse corporelle des femelles adultes.
Like hominids. cave bears, an extinct subgenus (Spelearctos) ofUrsidae. were versatile enough to inhabit large areas of the northern hemisphere during the Middle and Upper Pleistocene. Yet cave bears had evolved a specialized dentition that emphasized grinding functions, implying a heavy dietary reliance on tough, fibrous plant foods. In an effort to better understand the paleoecology of cave bears, this presentation combines osteometric, isotopic, and taphonomic approaches to studying a bear assemblage from Yarimburgaz Cave in northwest Turkey. Reference information on the linkages between diet, hibernation, and population structure in modern bears provide test implications for the investigation. An attritional mortality pattern for the bears, and the condition of their bones, show that most or all of the animals died in the cave from non-violent causes in the context of hibernation. Osteometric techniques show that the adult sex ratio of the cave bears is only slightly skewed towards females. This parttern lies near one extreme of the full range of possible outcomes in modern bear species and can only reflect a strong dietary dependence on seasonally available plants and invertebrates, showing that hibernation was a crucial over-wintering strategy for both sexes; the results specifically contradict the possibility of regular, heavy emphasis on large game (hunted or scavenged) as a winter food source. The nature of wear and breakage to the adult cave bear teeth further indicates that food frequently was obtained from cryptic sources, requiring digging and prying, and that extensive mastication was necessary, leading to complete obliteration of some cheek tooth crowns in old individuals. The patterns of tooth damage during life corroborate the dietary implications of the adult sex ratio and also argue for a diet rich in tough, abrasive materials such as nuts, tubers, and associated grit. The carbon and oxygen isotopic compositions of cave and brown bear tooth enamel from the site are virtually identical, and there is no evidence of a strong marine signal in either species, despite the cave's proximity to a modern estuary of the Sea of Marmara; both bear species obtained nearly all of their food from terrestrial and fresh water habitats. Bone pathologies, usually originating from trauma, occur in some of the adult bears, testifying to long lifespans of some individuals in this fossil population. The Yarimburgaz cave bears also exhibit great size dimorphism between the sexes, based on weight-bearing carpal bone dimensions, with adult males attaining roughly twice the body mass of adult females.
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Citer cet article
Référence papier
Mary C. Stiner, « Reconstitution de la paléoécologie des ours des cavernes à partir de leurs squelettes », ERAUL, 100 | 2002, [103]-[116].
Référence électronique
Mary C. Stiner, « Reconstitution de la paléoécologie des ours des cavernes à partir de leurs squelettes », ERAUL [En ligne], 100 | 2002, mis en ligne le 02 June 2025, consulté le 02 July 2025. URL : http://popups.lib.uliege.be/3041-5527/index.php?id=3970
Auteur
Mary C. Stiner
Dept of Anthropology. Building 30. Universitv of Arizona, TUCSON, Arizona 85721, USA