Méthodologies et méthodes d’analyse des pratiques interactionnelles entre l’architecte et le client-usager dans le cas de projets d’habitation

DOI : 10.25518/modact2023.69

Résumé

Les relations entre les architectes et leurs clients-usagers représentent toujours une difficulté majeure pour chacune des deux parties, notamment au fil des processus de conception de projets d’habitations. Pour établir un état des lieux des pratiques architecturales belges francophones en matière d’interactions sociales avec le client-usager du projet, nos recherches se sont basées sur plusieurs méthodes : l’entretien-approfondi, l’étude de cas et le processus de codesign. Les données collectées permettent de mettre en avant l’intérêt propre à chaque méthode et leurs limites en matière de recueil et d’analyse des activités interactionnelles, mais également d’en souligner la complémentarité.

Plan

Texte

11/05/2023

1. Problématique abordée

Les architectes se basent souvent sur leur propre expérience comme principale référence lors de la conception (Cuff, 1991; Till, 2009) et dépassent rarement l’interaction conversationnelle brève en début de projet pour saisir les besoins et attentes de leurs clients-usagers (Norouzi et al., 2015 ; Van der Linden et al., 2017). Ce modèle traditionnel de conception architecturale, considéré comme le résultat de la persuasion artistique d'un seul maître concepteur (Prost & Chaslin, 2014), est désormais remis en question (Siva & London, 2011 ; Macaire, 2009; McDonnell & Lloyd, 2014). En effet, la relation entre les concepteurs et les usagers finaux constitue un élément crucial pour le processus de conception. L’implication des usagers dans ce processus est essentielle à la réussite du projet (Lawson, 2006 ; Sarkar & Gero, 2017 ; Arboleda, 2020). Une analyse systématique de la littérature scientifique abordant la posture des architectes a permis de mettre un évidence la distance certaine qui s’établit vis-à-vis de ces usagers, confirmant une réelle rupture entre les rôles que les architectes endossent et les attentes et besoins actuels de la société (Mertens et al., 2022).

1.1 Contexte de la recherche

Le contexte dans lequel s’inscrit la recherche présentée ici est celui de l’habitat en Wallonie et à Bruxelles, où tout projet immobilier affectant l'enveloppe ou la structure d'un bâtiment nécessite légalement le recours à un architecte.

Une étude locale a montré que parmi 1330 personnes interrogées ayant fait construire leur maison personnelle entre 2000 et 2013, seule la moitié se sentait satisfaite de son ou ses architectes a posteriori. Près de la moitié des participants a déclaré avoir ressenti du stress et 27% ont avoué avoir souffert d'irritabilité et d'anxiété tout au long du processus (Nauwelaers & Rossini, 2014). Un autre questionnaire diffusé en Belgique a épinglé le fait que le client fait partie du "top 5" des facteurs qui rendent le travail des architectes plus difficile au quotidien (Stals et al., 2016). Ces frictions surviennent au fil du processus de conception entre les architectes et les clients-usagers1, soulignant la nécessité de questionner davantage les interactions sociales sous-jacentes, sources d'insatisfaction. Partant de l’hypothèse qu’il existe une marge d’amélioration notable en termes de satisfaction pour ces acteurs, nous abordons la problématique par le biais des interactions entre ces deux parties.

Il est donc question de relever les éventuelles difficultés rencontrées par ce choc d’habitus (Siva & London, 2009), d’en identifier les points de friction ou “moments critiques” (Siva et London, 2011, p.181), les conséquences et les leviers potentiels de changement. L’objectif poursuivi est d’établir les enjeux et retombées potentielles d’une possible modification des pratiques, particulièrement en regard des interactions entre les usagers-clients et les architectes.

1.2 Cadre théorique

Nos recherches s’inscrivent dans un cadre, tel que proposé par Crotty (1998, p.15-18), structuré en plusieurs strates :

  • Méthodes : techniques ou procédures utilisées pour recueillir et analyser les données liées à une question ou une hypothèse de recherche.

  • Méthodologie : stratégie, plan d'action ou processus conçu pour justifier le choix et l'utilisation de méthodes particulières.

  • Perspective théorique2 : position philosophique qui informe la méthodologie et fournit ainsi un contexte, fonde sa logique et ses critères. Elle décrit les "lunettes" utilisées pour observer les événements.

  • Épistémologie : théorie de la connaissance constituant le cadre de pensée dans lequel s’intègrent la perspective théorique et la méthodologie.

Nous nous positionnons également par rapport aux travaux de Lincoln et al. (2011) qui présentent une série de paradigmes épistémologiques, basés sur Heron et Reason (1997) allant du Positivisme au paradigme Participatif en passant par le Post Positivisme, la Théorie Critique et le Constructivisme3.


Compte-tenu de l’objectif général du projet de recherche évoqué ici, nous mobilisons principalement les paradigmes Constructioniste3 et Participatif. Il s’agit des paradigmes épistémologiques qui impliquent une proximité et un rapport égalitaire du chercheur avec les personnes qui sont au centre de l’étude. Le paradigme Contructioniste “est le point de vue selon lequel toute connaissance, et donc toute réalité significative en tant que telle, est subordonnée aux pratiques humaines, étant construite dans et à partir de l'interaction entre les êtres humains et leur monde, et développée et transmise dans un contexte essentiellement social.” (Crotty, 1998, p.112-113). Le paradigme Participatif se positionne dans une optique de connaissance socialement construite qui prend son sens dans le regard de l’individu, plutôt que d’exister dans une réalité qui lui est externe (Kilgore, 2001, p.51 ; dans Lincoln et al., 2011, p.106).

La perspective théorique du projet de recherche se nourrit de Relativisme – « de réalités locales et spécifiques coconstruites » (Lincoln et al., 2011, p.100), de Réalité Participative – « réalité subjective-objective, cocréée par l’esprit et le cosmos  » (Lincoln et al., 2011, p.100) - et d’Interactionnisme Symbolique – qui se consacre à « l'étude et à l'analyse du développement du cours d'action qui se produit lorsque deux ou plusieurs personnes (ou agents) dotées d'une capacité d'action (réflexivité) réunissent leurs lignes d'action individuelles en une action conjointe » (Denzin, 2004, p.82).

Méthodologiquement parlant, compte-tenu du caractère exploratoire de la recherche présentée ici, nous optons pour une approche qualitative. Mukamurera et al. (2006) soulignent l’importance de baliser une telle recherche qualitative, afin de la formaliser et d’en systématiser le travail d’analyse, notamment en explicitant l’approche mise en place, ses références, et en précisant l’angle adopté pour étudier un phénomène. L’approche méthodologique et les méthodes employées sont présentées en davantage de détails dans la section 2.

2. Approche méthodologique

Les questions de recherche autour desquelles s’articulent les différents pans du projet de recherche sont les suivantes : (i) Comment, de nos jours, les architectes et les clients-usagers interagissent-ils au fil du projet d’habitation? (ii) Comment pourrait-on faciliter ces inter-
actions ? Il s’agit donc de constituer une méthodologie qui permette d’étudier les interactions entre deux parties prenantes : les architectes, d’une part, et leur clients-usagers d’autre part.

En s’appuyant sur le socle épistémologique et les perspectives théoriques présentées brièvement ci-dessus, on distingue dans la première question de recherche (i) un lien fort avec le Constructivisme de Flick (2004) et le Constructionisme de Crotty (1998) : la question “comment” est en effet ici appliquée à des pratiques ancrées, dans des réalités locales et contemporaines, aux travers de divers acteurs. L’ethnographie, préconisée par ces mêmes auteurs, semble alors s’imposer comme méthodologie permettant de focaliser la perspective théorique envisagée, soit un enrichissement respectif du Relativisme et de l’Interactionnisme Symbolique. La deuxième question (ii) est quant à elle explorée par le biais du paradigme Participatif et à la Réalité Participative. Il s’agit en effet dans ce cas de cocréer une réalité subjective-objective autour du besoin de facilitation des interactions entre architectes et clients-usagers. On se tournera donc vers des méthodes inspirées de la Recherche par le Design (« Research through Design » en anglais).

Ciesielska et al. (2018) listent les composantes qui constituent le cadre d’une enquête ethnographique. On y retrouve les interactions et une série de suggestions de questions clés pour guider la réflexion : « Que font les gens, et comment ? Quels comportements non verbaux peut-on observer? Que disent-ils (également au téléphone ou par e-mail), de manière formelle et informelle, et comment (par exemple, le vocabulaire utilisé, la charge émotionnelle)? Quels sujets sont abordés, sur quel ton, dans différents contextes? Quelles émotions sont exprimées, dans différents contextes? Existe-t-il des mots et des expressions techniques ou familiers caractéristiques du groupe? Qui communique avec qui, comment, quand et où? Comment les différences de pouvoir sont-elles exprimées, reproduites, négociées ou contestées? » (Ciesielska et al., 2018, p.37). L’ethnographie va donc « au-delà de la compréhension et de l’acquisition de méthodes », comme l’exprime Naepels; elle implique le développement « d’une "sensibilité" (plus qu’une sensibilisation ou une initiation à), une façon d’être dans et de connaître le monde, de penser, de reconsidérer ce que veut dire être humain, ainsi que les manières de connaître les autres, qui va au-delà d’une analyse de la structure ou de l’organisation de la vie ». Constituant un véritable "dispositif de saisie d’un monde social" (Naepels, 2012), le terrain constitue dès lors « un lieu possible de l’action » (Bullen et al., 2020, p.5), ici en l’occurrence l’activité de conception architecturale et plus particulièrement les interactions qui l’échafaudent.

La recherche par le design, quant à elle, s’explique comme un moyen de rétablir le lien entre la théorie et la pratique. En effet, c’est « une approche de recherche scientifique qui tire parti des connaissances uniques acquises par la pratique du design pour mieux comprendre les questions complexes et orientées vers l'avenir » (Godin & Zahedi, 2014, p.1) ; dans notre cas, en architecture. Il s’agit donc d’une approche de la recherche dans laquelle les activités de conception en tant que telles jouent un rôle essentiel dans la production de connaissances (Boon & al., 2020). Bien que la recherche par le design produit potentiellement un artefact, ce dernier n'est pas l'objectif premier de la démarche ; il s’agit plutôt de récolter des données autour de la production, par exemple pour outiller une compréhension fine d’un processus (Godin & Zahedi, 2014).

3. Focus

Avant d’exposer le squelette du projet de recherche dans son ensemble, il semble bon de rappeler au lecteur que cet article-ci se concentre sur un regard autocritique et une brève analyse réflexive et discursive des méthodes mises en place dans ses phases exploratoires, au travers de différents terrains.

Dans ce contexte émergent des questions de recherche propres à la présente réflexion. En effet, la diversité méthodologique interroge quant à la pertinence et la potentielle complémentarité de chacune de ces méthodes.

Il est aussi important de rappeler que l’article ci-présent n’a pas pour objet de détailler l’ensemble des terrains, des résultats et des discussions soulevées par chacun de ces terrains. Le lecteur curieux pourra trouver ces détails ainsi que des descriptions plus élaborées des méthodes de recherche respectives et de leurs résultats dans les articles (à paraître, en cours de rédaction) de la première autrice de cet article.

4. Méthodes

Sur base des méthodologies proposées précédemment, plusieurs méthodes ont été mises en place afin de récolter des données relatives aux deux questions de recherche générales du projet. Bien que la première (i) semble plus adéquatement outillée par une approche ethnographique, et la seconde (ii) plus proche d’une approche participative, les deux questions ont été de prime abord abordées par l’intermédiaire de différentes méthodes.

Ainsi, l’entretien approfondi et le cas d’étude sont des méthodes empruntées à l’ethnographie, tandis que le processus de codesign s’inscrit davantage dans la Recherche par le Design.

4.1 Entretiens approfondis

Selon Weber (1998), l’entretien est la méthode la plus appropriée pour recueillir le « sens subjectivement visé », ou ce qui anime les enquêtés, afin de « comprendre les pratiques et les comportements des acteurs de leur point de vue, les représentations qu'ils et elles ont de leurs mondes, du monde des autres, et de leurs propres activités et de celles des autres, comment l'acteur construit ses représentations du monde social » (Charlier & Van Campenhoudt, 2014, p.91). L’entretien approfondi semi-dirigé, plus naturel qu’un entretien dirigé rigide pour l'interviewé, pour qui la rencontre prend plutôt la forme d’une discussion, s’inspire de l’entretien d’explicitation (Vermersch, 2000) et permet au participant de se livrer peu à peu à travers la narration d'événements critiques vécus dans le passé.

Les objectifs des entretiens conduits dans le cadre de ce projet sont multiples : comprendre le point de vue respectif des architectes et des clients-usagers en regard de leur expérience propre du processus de conception d’habitats ; nourrir la connaissance du terrain des chercheurs qui, au cours du reste de l’ethnographie (dans ce cas-ci lors des observations), mobiliseront les connaissances acquises au cours des entretiens ; nourrir le processus de codesign de témoignages ancrés dans des pratiques et des vécus réels.

Dans le cadre de ce projet, le recrutement des architectes a été facilité par la diffusion via l'Ordre des Architectes de Belgique francophone et germanophone d’un questionnaire, permettant aux architectes désireux de participer à l’étude de se manifester. Ce questionnaire a permis de solliciter, parmi les 96 répondants, dix architectes aux profils variés en termes de localité (Wallonie et Bruxelles), d’années d’expérience (de 3 ans à plus de 25 ans de pratique), et de taille d’agence (de 0 à 14 collaborateurs). Par ailleurs, 5 profils supplémentaires, recrutés via les réseaux personnels des chercheurs, ont permis d’étoffer l’échantillon (cas pragmatiques, échantillonnage par opportunité, voir George & Bennett, 2005).

Il est à noter que 93% des agences d’architecture européennes comptent moins de 5 collaborateurs (Architects’ Council of Europe, 2020) et que ce sont principalement ces petits bureaux qui réalisent les projets d’habitation. In fine, l’échantillon est considéré comme significatif (et non représentatif) de par sa variabilité, tout en respectant des configurations d’agences d’architecture correspondant majoritairement à de « très petites agences » (moins de 5 collaborateurs pour 12 des 15 architectes interrogés).

Ces entretiens ont été menés jusqu'à obtenir la saturation (Glaser & Strauss, 1967 ; Pourtois & Desmet, 1997 ; Savoie-Zajc, 2000) en termes de thématiques et de points de friction soulevés par les personnes interrogées.

En parallèle, des entretiens ont été conduits auprès de 15 usagers-clients, recrutés majoritairement via les réseaux personnels et professionnels des second et troisième auteurs. Les participants ont soit fait construire ou rénover un logement récemment, soit sont actuellement toujours en cours de processus de construction/rénovation et sont donc en interaction étroite avec un.e architecte.

Afin de conduire les entretiens dans de bonnes conditions, les chercheurs ont récolté le consentement des participants quant à l’utilisation des données dans le cadre strict de cette étude. Les chercheurs se sont en outre équipés d’un guide d’entretien flexible reprenant les grandes thématiques d’intérêt, soulevées notamment via la revue de la littérature (Mertens et al., 2022). Sur cette base, l’entretien approfondi prend la forme d’une discussion semi-dirigée (Gudkova, 2018) avec chaque interviewé, rebondissant sur les éventuelles nouvelles thématiques évoquées par les sujets, tout en gardant en tête, dans les grandes lignes, les points d’intérêts liés aux questions de recherche. Ainsi, le guide d’entretien permet d’orienter la discussion en rappelant à l’interviewé de donner des exemples concrets vécus, des anecdotes, racontant des conflits passés ou de “success-stories” avec certains de leurs clients.

L’analyse thématique se structure ensuite sur un modèle d’étiquetage, tel que présenté notamment par Lejeune (2019) et Braun & Clarke (2006). Il s’agit de retranscrire les enregistrements audios des entretiens et d’effectuer un étiquetage thématique itératif. Bien que le guide d’entretien soit influencé par la revue de la littérature, il est à noter que la première itération en matière détiquetage, lors de l’analyse est bel et bien inductive: les étiquettes sont générées simultanément par 3 chercheurs sur base de 6 entretiens retranscrits, sans recours à la revue de la littérature, puis mises en commun et regroupées afin d’établir un premier arbre de codage. Par la suite, le chercheur familiarisé avec le terrain (interviewer et observateur des cas d’études) code l’ensemble des entretiens, complète les étiquettes en regard de la revue de la littérature et identifie les thèmes qui ressortent de l’ensemble. Les passages « révélateurs d’un phénomène social » (Lejeune, 2008) sont ainsi codés via le logiciel NVivo sous un ensemble d’étiquettes (Lejeune, 2008), qui prennent souvent d’abord une forme brute issue du matériau étudié, pour se transformer lors de regroupements itératifs en catégories consolidées, constituant une première analyse (Lejeune, 2019 ; Mukamurera et al., 2006), elle-même ensuite intégrée dans une réflexion herméneutique (Lincoln et al., 2011).

4.2 Trois études de cas : observation et collecte d’artefacts

Si les entretiens constituent une bonne base de données et d’informations sur le terrain, ils n’informent que de la vision personnelle des acteurs interrogés a posteriori. Comme le soulignent Beaud et Weber, l’observation est l’une des méthodes centrales de l’approche ethnographique, qui peut être complétée par des entretiens pour éclaircir et mieux expliquer les situations observées (2010). Dans notre cas, les entretiens ont effectivement nourri les observations, en préparant le chercheur aux réalités et aux points de friction, tels que potentiellement capturables in situ et en temps réel.

Les cas observés ont été sélectionnés par échantillonnage stratégique (Strumińska-Kutra & Koładkiewicz, 2018, d’après Flyvbjerg, 2006), soit parmi les projets inédits de divers architectes volontaires ayant été interrogés lors des entretiens. Ceux-ci ont notamment permis au chercheur (premier auteur) de suivre l’ensemble des interactions entre les architectes et les clients-usagers tout au long du projet et de collecter des données quant aux thématiques abordées, aux difficultés et points de friction, ainsi qu’aux media de communication et de partage de connaissances.

Dans ce projet, 3 cas sont observés. Il s’agit de rénovations d’habitats plus ou moins lourdes, observées dès les toutes premières interactions entre l’architecte et le/les client(s)-usager(s). En vue de reconstituer une compréhension globale de l’essentiel des interactions, sont collectés : des notes prises in situ en observation directe non-participante4 (Ciesielska et al., 2018); des transcriptions d’entretiens avec les différents acteurs concernés; les e-mails échangés; les pièces jointes à ces e-mails (par exemple, des photos, plans, sketchs, métrés…); des copies des documents échangés ou présentés lors des réunions; des enregistrements audios des réunions impliquant les clients et les architectes (en observation directe non-participante principalement, mais parfois, pour des raisons logistiques/de conflits d’agenda, en observation indirecte (Ciesielska et al., 2018) via des enregistrements audios lancés par les participants); des fiches d’avancement rédigées par le chercheur (premier auteur) suite à des appels téléphoniques avec les participants pour se tenir au courant des avancées de part et d’autre.

L’analyse des données se fait par analyse descriptive, en décrivant le phénomène en question de manière exhaustive, en tenant compte de son contexte et en se concentrant sur l'analyse des causes et des effets des corrélations observées (Strumińska-Kutra & Koładkiewicz, 2018 sur base de Yin, 2003a,b). Ces observations se poursuivent actuellement, le temps du processus complet étant très long (depuis les débuts de la collecte de données en 2021, les chantiers n’étant pas encore été entamés).

4.3 Le processus de codesign

En vue d’aborder la question de recherche (ii) “Comment pourrait-on faciliter les interactions entre architectes et clients-usagers?”, un processus de codesign a été organisé par les chercheurs. Les buts principaux poursuivis par un tel processus sont de « (1) révéler de nouvelles connaissances en lien avec les problématiques de recherche et de conception étudiées; (2) susciter le partage de connaissances scientifiques avec les participants; (3) soutenir la co-analyse de données tant pour la recherche que pour la conception et (4) permettre de repenser l’action de la conception et l’objet de la conception en tant que vecteurs de connaissances » (Yönder et al., 2022, p.1). En ce sens, ce pan de la recherche rappelle la recherche-design d’interaction (“interaction design research”, cf. (Fallman, 2008)), où le chercheur est encouragé à tenir une posture à la fois de designer et de chercheur, à la fois réflexive et proactive, développant un artefact tout en gardant en mémoire ses questions de recherche.

Ce processus doit s’ancrer dans une approche ethnographique, qui permet au chercheur de comprendre le terrain dans lequel s’inscrit ensuite la recherche par le design (Moura et al., 2012). Dans notre cas, l’ethnographie a permis, en sus, de nourrir le processus de codesign en matière de recrutement et d’engagement sur le long terme des participants (Mertens, Yönder et al., à paraître).

Le processus s’est organisé en ateliers de trois types : (a) Restitution & Partage ; (b) Idéation & Conception ; (c) Tests des prototypes & Itérations. Entre les ateliers, de courts rapports ont été diffusés aux participants, rendant compte du contenu et des résultats de chaque atelier afin d’assurer la continuité de la participation et la diffusion de l’avancée. Le détail de ces ateliers est repris dans l’article de Mertens, Yönder et al.(à paraître).

Dans les grandes lignes, le premier atelier (a) s’est déroulé en janvier 2022 a accueilli 16 architectes et 8 clients-usagers pendant deux heures, en ligne. Le deuxième type d’ateliers (b) s’est déroulé au cours du printemps 2022, se déclinant en cinq ateliers d’environ deux heures. Ces workshops ont été organisés dans les villes de Bruxelles, Liège (n=2), Namur et Arlon. Au total, 11 architectes, 9 clients-utilisateurs et 1 représentant de l’Ordre des Architectes y ont participé et ont travaillé en groupes mixtes. Les artefacts issus de ces séances de codesign, à savoir quatre prototypes d’outils pour la facilitation des relations architectes/clients-usagers, ont ensuite été testés afin d'obtenir un feedback permettant d’itérer et de développer des outils convaincants, en se basant sur les expériences réelles de praticiens et de clients-usagers. Trois types tests (c) ont eu lieu : (i) les outils ont été testés dans des agences d'architecture par des architectes et des clients réels (2 tests, 4 architectes, 2 clients-usagers); (ii) ils ont été testés lors d'un événement public (conférence + ateliers) organisé à l’Université de Liège, au cours d’ateliers en petits groupes (4 sessions regroupant 29 participants : architectes, étudiants en architecture, clients-usagers ou citoyens curieux, et représentants de l’Ordre des Architectes); (iii) les prototypes ont également été présentés et testés par des architectes et des designers lors de la conférence DRS2022 sur le design (2 prototypes testés par 8 designers et/ou chercheurs en design).

L’analyse des workshops (enregistrements audio, vidéo, croquis, schémas et notes des chercheurs observant le processus) se fait à nouveau de manière thématique, pour mettre en lumière les témoignages ayant émergé au cours de activités, mais également à travers l’élaboration de critères de design qui ont été révélés au cours des workshops et qui permettent de mieux cerner les besoins des deux parties en matière de facilitation de leurs interactions.

5. Résultats et discussion

Cette section détaille les plus-values et limites des méthodes utilisées en matière d’analyse de l’activité, ici les interactions entre architectes et clients-usagers au fil d’un processus de conception d’habitat. Les méthodes sont d’abord détaillées séparément, puis considérées dans leur ensemble.

5.1 Plus-values et limites

5.1.1 Entretiens

Les entretiens ont permis aux participants de se livrer, de se sentir écoutés et parfois même, selon eux, de prendre le temps de se questionner sur leurs pratiques et de prendre du recul. Le fait de conduire les entretiens individuellement permet de recueillir des témoignages forts, qui révèlent parfois une animosité envers l’autre partie, certains traumatismes aussi. Les anecdotes partagées dans l’intimité d’une conversation un-à-un ont permis de dresser une première esquisse de pistes des “moments critiques” vécus au fil d’un processus de conception architecturale (que nous appelons également points de friction dans le cadre de ce projet de recherche). Cependant,ces entretiens n’occasionnent qu’un partage unilatéral d’expérience. Parfois, les témoignages manquent de nuance et la confrontation du vécu des architectes avec celui des clients-usagers mène à des paradoxes qui opposent les anecdotes des uns aux dires des autres. En outre, il n’est pas impossible que les architectes, généralement particulièrement aguerris à l’approche discursive (de leur projet, de leur pratique, de leur spécificité « métier » et de leur formation d’architecte) construisent un propos certes spontané, mais aussi mûri dans le temps long de leur pratique.

L’appel à la mémoire des interviewés peut également parfois constituer un « piège ». À titre d’exemple, l’un des interviewés revient sur « une histoire qu’il raconte souvent », à savoir la difficulté de réintégrer tardivement à un projet une chambre supplémentaire, les clients-usagers étant initialement réticents à révéler à leur architecte qu’ils faisaient « chambre à part ». Bien que l’anecdote partagée exemplifie efficacement la difficulté de communiquer avec la maîtrise d’ouvrage et l’importance de créer un climat de confiance propice à se livrer, l’interviewé précise que c’est une histoire qu’il a pris l’habitude de raconter. Le risque de réécriture d’une histoire caricaturée ou enjolivée est donc bien présent, surtout en l’absence de toute corroboration par les clients-usagers concernés, et peut mener à des distorsions. Néanmoins, l’anecdote en l’état traduit une perspective adoptée par cet architecte, et l’intégrer au corps de données comme donnée saillante n’en reste pas moins pertinent.

5.1.2 Méthode de l’étude de cas 

L’étude de cas permet d’ajouter aux récits (relatés au cours des entretiens) des observations de première main, ancrées dans la pratique de terrain et « dans l’action ». En documentant l’essentiel du processus d’interaction entre les clients-usagers et leur architecte au fil de leur projet d’habitat, le chercheur (premier auteur) contextualise et étoffe les “moments critiques”. Leur origine peut être envisagée de manière plus holistique en considérant le processus dans son ensemble. En outre, le recueil en situation écologique désempare éventuellement les architectes de leurs réflexes discursifs et parfois bien « rôdés » : ancrées dans la réalité de la situation, face-à-face avec un (potentiel) client, les interactions capturées revêtent à nos yeux un caractère moins « préparé ».

Dans ce projet, nous avons fait le choix de viser tant que faire se peut l’exhaustivité dans la collecte des documents constituant le projet et les traces d’échanges entre les acteurs. Les travers de ce type d’approche se font ressentir: cette méthode est très chronophage, et la quantité d’artefacts collectés n’est pas toujours évidente à trier et à synthétiser en vue de l’analyse. Par ailleurs, il est impossible de garantir une collecte d’informations parfaitement exhaustive, tant ce sont des processus longs et complexes qui requièrent et reposent souvent sur la proactivité des personnes observées.

En outre, le niveau de contrôle du chercheur est faible; il doit s'adapter au contexte et souvent faire face à des situations imprévues (Ciesielska et al., 2018, p.36), telles que (dans notre cas) des interactions avec d’autres acteurs qui influencent la relation architecte/client-usager. Le chercheur qui observe de manière non-participante tente de ne pas influencer le cours des événements et d'exercer ainsi un impact minimal sur l'environnement, mais sa présence, quoi qu’il arrive, influence les comportements des uns et des autres (Ciesielska et al., 2018).

5.1.3 Codesign

Le processus de codesign a permis de valider les problématiques soulevées lors des phases ethnographiques et de confronter ces données avec un plus large panel de participants. Les ateliers ont également été un vecteur de partage de témoignages supplémentaires et révélateurs de nouvelles connaissances (Yönder et al, 2022), notamment de critères de design mettant en lumière les besoins partagés par de nombreux participants.

Les ateliers d’idéation, notamment, ont également été un lieu de partage d’expériences convergeant vers des thèmes récurrents (budget, (in)compréhension du processus, clarification des rôles et missions etc.). Ces moments de partage autorisent des échanges verbaux, visuels, outillés ou matérialisés (gestes, dessins…) contribuant « ainsi à alimenter directement les données de recherches de terrain, et permettent d’encore mieux comprendre les récits et les expériences qui se tissent entre les architectes et les clients-usagers » (Yönder et al., 2022). On recueille des propos parfois plus décousus, moins « structurés », parfois perturbés par l’action simultanée du « faire », du « créer ensemble » ; mais les propos enrichissent les témoignages et récits récoltés par entretien approfondi ou en observations. L’expérience se rapproche ainsi d’une mise en pratique concrète de l’implication des usagers dans le processus de conception, et dépasse aisément les limites de l’interaction conversationnelle brève de début de projet, pointées par la littérature comme impactant la réussite du projet (Lawson, 2006 ; Sarkar & Gero, 2017 ; Arboleda, 2020).

Cependant, ce type de processus doit s’inscrire dans une temporalité longue et il est complexe de maintenir une implication sur le long terme des participants ; à l’inverse, on observe chez les participants « récurrents » une certaine forme de « réécriture » et de prise de contrôle sur leurs propres propos. Tout en témoignant d’une grande authenticité lors des premières rencontres, le fait de raconter à nouveau son histoire à d’autres occasions pousse parfois les participants à « lisser » ou au contraire exacerber certaines facettes de leur expérience : une forme « d’expertise » du codesign sinstalle, et chez ces participants « habitués » du processus une posture parfois professorale se développe, ce qui impacte le recueil de données (Yönder et al., 2022). Une autre complexité amenée par cette méthode réside à nouveau dans le traitement et l’analyse des très nombreuses données collectées : il faut garder à l’esprit de ne pas les totaliser, de rendre compte de leur pluralité tout en les rendant intelligibles, traitables et compréhensibles (Beaud et Weber, 2010; Dodier et Baszanger, 1997).

Il est important enfin de souligner que ce processus a permis de diffuser les connaissances empiriques et scientifiques avec le grand public, élément essentiel de la Recherche par le Design en paradigme Participatif (Ross-Hellauer et al., 2020) par le « partage des données contextuelles (…) [permettant aux membres d’une communauté] de se sentir entendu et compris, se sentir “vu” par l’autre communauté, puis à son tour d'entrer en empathie avec cette autre communauté ; de créer des déclencheurs facilitant le partage et la co-conception, et de discuter plus en avant des critères et pistes de solutions » (Yönder et al., 2022, p.8). Les témoignages et récits issus des autres méthodes sont finalement rendus visibles auprès du « grand public » au travers des ateliers, soulignant ce processus comme une suite pertinente pour partager et confronter les données récoltées précédemment.

5.2 Complémentarité des méthodes

Outre les apports respectifs et la surprenante richesse des données émergeant de toutes ces méthodes (en particulier des workshops de codesign), nous ne sommes pas en mesure de préconiser une méthode plutôt qu’une autre. En effet, si l’ensemble de ces méthodes mettent bien une chose en évidence, c’est la complémentarité de celles-ci. Les entretiens nourrissent l’approche de terrain des cas d’étude ; les observations s’accompagnent elles-mêmes d’entretiens individuels complémentaires, tandis que le processus de codesign s’appuie naturellement sur les entretiens (Hussain et Sanders, 2012) et les observations de terrain (Taffe & Kelly, 2020), ou de manière générale sur toute approche ethnographique (Moura et al., 2012). Enfin, les données des ateliers contribuent à valider et compléter le tableau dressé par l’ethnographie et éclairent le regard que le chercheur porte sur les analyses des données précédemment collectées. Toutes les analyses croisées de ces différentes méthodes (à ce jour non encore réalisées) pourraient en outre également enrichir les connaissances et la compréhension de la relation complexe qui lie les architectes aux clients-usagers.

A ce stade de nos recherches, nous constatons cependant que la temporalité et la « maturité » d’un témoignage gagnent à être considérées, tant elles influent potentiellement sur la nature de ce qui est raconté. A l’aube d’un tout premier entretien approfondi, la relative pudeur dont peuvent faire part certains interviewés face au micro d’un chercheur inconnu fait finalement écho à la difficulté de créer, au fil du processus de conception architecturale, le degré de confiance nécessaire à la satisfaction générale ressentie au terme de ce processus. Plus les participants « récurrents » s’ouvrent aux chercheurs (via des entretiens associés aux observations ; à travers leurs participations aux ateliers…) plus la parole se libère. Les positionnements évoluent, tantôt pour laisser place à davantage de nuance, tantôt révélant une opinion plus tranchée. Les observations, quant à elles, laissent place à une franche authenticité du « moment présent », mais sont privées d’une parole parfois moins libérée, d’un implicite non verbalisé qu’il devient plus complexe pour le chercheur de capturer.

5.3 Limites du projet

L’élaboration des catégories d’analyse par le chercheur « exige d’être familiarisé avec le terrain » (Lejeune, 2008, p.595). Cette familiarisation demande une connaissance préalable du terrain et une longue immersion de ce chercheur dans le domaine, et constitue pourtant un paramètre difficilement quantifiable. La pluralité des méthodes déployées dans ce projet ainsi que la période de récolte des données (déployée depuis mars 2021, jusqu’à aujourd’hui) soutiennent malgré tout une certaine familiarisation du chercheur avec le terrain.

Une des pistes envisagées pour mieux aborder la masse de données récoltées est d’ouvrir le champ à une analyse via des outils plus automatisés. En effet, dans le cadre des recherches menées jusqu’à présent, les données collectées ont uniquement été codées en se reposant sur le travail réflexif du chercheur qui constitue lui-même les catégories d’analyses et thématiques de codage (via le logiciel NVivo). Cependant, Lejeune (2008) suggère d’autres méthodes d’analyse reposant sur des outils « allant des statistiques textuelles […] aux cooccurrences […] » ou des « logiciels qui mobilisent des registres entendant combiner la systématicité des outils automatiques et la finesse des analyses réflexives ». La définition du rôle de l’architecte dans les pratiques actuelles pourrait par exemple être étudiée via l’analyse des registres lexicaux, en comparant ceux-ci d’une situation analysée à une autre (Santin et al., 2008).

Si le codage pour l’analyse demande que le chercheur se soit personnellement immergé dans le terrain, le contrôle de fiabilité inter-codeurs (triangulation) et l’évaluation de l’effet des biais et interférences (Huberman & Miles, 1991) se compliquent. La reproductibilité de l’étude, préconisée par Mukamurera et al. (2006), est donc mise à mal. Cependant, l’épistémologie Constructioniste dans laquelle s’inscrit ce projet ne requiert pas à tout prix de garantir la reproductibilité de la recherche, puisqu’elle défend une vision de la réalité construite par une multiplicité d’acteurs et d’interactions. La connaissance est « générée » et non « découverte », elle est perçue comme existant en dehors de son contexte social et tolère de laisser place au consensus (Crotty, 1998, pp.52-57; Lincoln et al., 2011, pp.103-104 ; Van Steenwinkel, 2019, p.67). Par ailleurs, les paradigmes dans lesquels s’inscrivent ces recherches (e.g. Constructioniste et Participatif) assument la part de subjectivité induite par le chercheur.

Dans notre cas, c’est le retour aux acteurs, ou contrôle par les acteurs au travers d’autres occasions de rencontres / d’observations / d’ateliers qui permet, au fil des échanges, de valider les données. Comme le soulignent Huberman et Miles, « les personnes interviewées ou observées constituent une des sources les plus logiques de corroboration » (1991, p.442) ; la complémentarité et la multiplicité de ces moments d’échanges sont ainsi également valorisées à la lumière de la reproductibilité scientifique.

La temporalité longue de ce projet de recherche peut cependant être à double tranchant. En effet, au fil du temps, les situations, propos et contextes évoluent. L'économie varie, les participants révisent leurs attitudes et les dynamiques des relations humaines peuvent changer (Ciesielska et al, 2018). Il est très compliqué par exemple de voir à l’heure actuelle comment des facteurs externes sociétaux (par exemple, une pandémie ou divers facteurs sociopolitiques ou économiques) ont pu impacter les dynamiques relationnelles et interactionnelles auxquelles nous avons pu assister entre les architectes et leurs clients. Comme le soulignent Bullen et ses collègues, « l’activité ethnographique est quoiqu’il en soit aux prises avec les relations de pouvoir qui traversent un terrain, et l’analyse réflexive de ces dimensions, attentive également au sens que les personnes donnent aux réalités sociales qui sont les leurs, est souvent productive » (2020, p.5); il nous reste à présent à mener une telle analyse réflexive.

6. Conclusion

Le projet de recherche présenté ici mobilise plusieurs approches méthodologiques : l'ethnographie et la recherche par le design. La discussion menée se focalise sur ces méthodologies et les méthodes de recueil de données employées dans le cadre d’un projet de recherche plus large. Le lecteur curieux d’approfondir la thématique et de découvrir l’analyse de ces données est invité à consulter les articles qui y sont dédiés.

La mise en œuvre de trois méthodes de collecte de données permet de mettre en évidence les difficultés rencontrées lors des interactions entre les architectes et leurs clients-usagers dans le cadre de processus de conception d’habitats.

La multiplicité des méthodes, s’inscrivant à la frontière des paradigmes Constructionistes et Participatifs, nécessite du temps et des moyens dans le déploiement. Le temps est une caractéristique essentielle dans l’ethnographie, puisqu’elle exige de la part du chercheur une familiarité importante avec le terrain.

La recherche par le design, d’autant plus si elle est préalablement nourrie de recherches préliminaires - comme c’est le cas ici grâce à l’ethnographie - permet de nourrir la connaissance de la problématique à travers de nombreux témoignages, mais aussi de valider les données préalablement récoltées, tout en produisant un artefact qui peut en lui-même constituer un apport à la communauté. Le fruit du processus de codesign résumé ici est constitué de plusieurs prototypes d’outils de facilitation des interactions entre architectes et client-usagers (Mertens, Yönder et al., à paraitre).

Si ces processus s’avèrent laborieux et chronophages, cette multiplicité amène toutefois son lot de richesses en termes de complémentarité et de validation des données récoltées sur le terrain. 

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Notes

1 Dans le cadre des projets étudiés ici, en particulier des projets d’habitats, les clients et usagers finaux du bâtiment se confondent. C’est pourquoi, dans le cadre de cet article, nous employons le terme client-usager pour désigner la maîtrise d’ouvrage. Retour au texte

2 Terme employé par Crotty (1998), préféré au terme "ontologie" car « la définition de base de l'ontologie est la "science ou l'étude de l'être" ». Ici, il est plutôt question d’« hypothèses qu'une approche particulière de l'enquête sociale formule sur la nature de la réalité sociale » p34. « Il semblerait préférable de conserver l'usage de "perspective théorique" et de réserver le terme "ontologie" pour les cas où nous avons besoin de parler d'"être"» p35. Retour au texte

3 On retrouve dans la littérature les termes Constructioniste et Constructiviste, souvent utilisés comme synonymes interchangeables. Pour rester en accord avec les recherches de Crotty (1998), sur lesquelles certaines des réflexions subséquentes s’appuient, nous employons le terme « Constructioniste ». Retour au texte

4 En appliquant l’observation directe non-participante, le chercheur a l'occasion de se rapprocher du terrain de recherche tout en conservant sa position « d'outsider » ou d'invité (Kostera 2007, dans Ciesielska et al., 2018). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Audrey Mertens, Yaprak Hamarat et Catherine Elsen, « Méthodologies et méthodes d’analyse des pratiques interactionnelles entre l’architecte et le client-usager dans le cas de projets d’habitation », ModACT [En ligne],  | 2023, mis en ligne le 04 September 2023, consulté le 20 September 2024. URL : http://popups.lib.uliege.be/3041-4687/index.php?id=69

Auteurs

Audrey Mertens

Université de Liège

Audrey.mertens@uliege.be

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Yaprak Hamarat

Université de Liège

yaprakhamarat@gmail.com

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Catherine Elsen

Université de Liège

catherine.elsen@uliege.be

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