Chasse et activités physiques dans la Préhistoire : les marqueurs osseux d'activités chez l'homme fossile

Des progrès récents ont pu être faits dans la reconnaissance de certains marqueurs sur l'os humain liés à des activités physiques ("occupational stress") notamment par l'étude des sites d'insertion tendinopériostée ou enthèses, dont nous avions proposé l'application dans le domaine de la Préhistoire. L'hyperfonctionnement musculaire engendré par la pratique de certains mouvements répétitifs, eux-mêmes intégrés dans un geste technique, est susceptible d'entraîner une réaction adaptative du tissu osseux au niveau de sites anatomiques électifs. Ces affections abarticulaires sont parfaitement décrites dans le cadre de la pathologie sportive ou professionnelle actuelle. En partant de ces exemples, dans la mesure où la biomécanique générale du geste considéré n'a pas sensiblement varié au cours des millénaires, l'observation de lésions identiques sur des restes fossiles peut, dans certains cas, permettre de déduire le type d'activité à l'origine du mouvement répétitif causal. Ces hypothèses doivent toujours être formulées sous le contrôle des données paléontologiques et préhistoriques pour garder toute leur valeur. C'est ainsi que nous avons pu relever, sur des restes humains fossiles du Sahara méridional appartenant au groupe des Cromagnoïdes africains, des lésions identiques à celles observées chez les lanceurs de javelot actuels et des lésions compatibles avec le tir à l'arc. Ces données s'insèrent dans un contexte lacustre de l'Holocène ancien associé à des restes de grande faune chassée (grands poissons, crocodiles, hippopotames, antilopes, buffles, rhinocéros) et à de nombreux harpons. Il importe actuellement de confronter les données technologiques reconstituées par les spécialistes de Préhistoire expérimentale à ce type d'analyse biomécanique pour appréhender les conséquences musculosquelettiques potentielles des techniques de chasse préhistoriques reconstituées. Seule cette approche permettra de retrouver et de comprendre d'autres marqueurs d'activités chez l'Homme fossile.