La biodiversité : une étude de cas. Le site de Lanaye en Meuse belgo-néerlandaise
- Biodiversity : a case study - « la Vieille Meuse » at the Belgian Dutch border
p. 1-286
Abstracts
Les noues ou bras morts des cours d'eau navigables recèlent très souvent une grande richesse biologique. Tel est le cas de la « Vieille Meuse » située à Petit-Lanaye, à la frontière belgo-néerlandaise, entre Visé et Maastricht, à quelques centaines de mètres à peine des installations industrielles de la grande ville néerlandaise. Ce plan d'eau trouve son origine dans les grands travaux hydrauliques qui, dès le l9ème siècle, transformèrent profondément le paysage de cette région.
En effet, de 1947 à 1987, dans la région de Lanaye, d'importants travaux de génie civil modifièrent considérablement le paysage de la plaine alluviale initiale et ce tant en Belgique qu'aux Pays-Bas. La rectification de la Meuse mitoyenne entraîna notamment, dans le courant des annécs 1960, le recoupement de deux méandres.
Le site de la « Vieille Meuse », ancien méandre à gauche, fut alors définitivement isolé du cours nouveau du fleuve par le dépôt de masses de graviers et de terre, en sa rive droite. Les travaux réalisés apportèrent ainsi un remaniement important du lit et des berges du méandre initial, le privant en outre de toute alimentation en eau par l'amont.
Toutefois, à la demande des associations de pêcheurs (« Syndicat des Pêcheurs en Eaux Banales », « Fédération des Pêcheurs de la Basse Meuse liégeoise »), les services de la « Direction des Voies Hydrauliques de Liège » maintinrent un étroit chenal de communication avec la Meuse vers l'aval.
Trente années après ce remaniement, le site se révèle d'un grand intérêt biologique. Cette richesse naturelle était pourtant en sursis puisqu'il s'avérait, dès le départ, que la construction projetée d'une quatrième écluse à Lanaye détruirait, totalement ou partiellement, le site reconverti. En 198-5, heureusement, le creusement d'une nouvelle gravière quelques centaines de mètres en amont allait se révéler apte, dès sa conception, à recueillir les populations de plantes et d'animaux contraintes de chercher ailleurs le « gîte et le couvert ».
Depuis une trentaine d'années, le Service d’Éthologie de l’Université de Liègc se consacre à l'étude du comportement et de la dynamique des populations des animaux sauvages et de leurs habitats, ainsi qu'à leur protection. Au cours des sept dernières années, une partie de ces travaux ont eu pour cadre le site de la « Vieille Meuse » à Lanaye. Fort de sa connaissance du site d'une part, et de son expérience en ces matières, d'autre part, le Service d’Éthologie a fait une offre de service au MET, se proposant à évaluer la richesse de la biodiversité sur le site de la « Vieille Meuse » et de proposer un plan d'aménagement de la nouvelle gravière afin de lui faire jouer le plus rapidement possible son rôle de site de substitution.
Dans un premier temps, les travaux réalisés en 1993 ont donc eu pour principal objet de compléter les données relatives aux populations d'oiseaux présentes sur les deux sites et, surtout, d'aborder de manière plus approfondie les autres volets de la recherche, à savoir : un inventaire des plantes et une étude de la répartition de leurs associations : un inventaire général et la caractérisation des habitats des oiseaux ; une caractérisation des sites de frai et un recensement des populations de poissons ; un recensement des populations de batraciens ; l'intégration de ces données avec celles existant pour d'autres groupes d'animaux (insectes, mollusques d'eau douce, mammifères...) ; l'évaluation de la diversité biologique du site de substitution et la définition des grandes lignes de son plan d'aménagement.
Les résultats sont éloquents. Sur une surface relativement restreinte (6,8 hectares) s'est différenciée, en quelques décennies, une série de milieux semi-naturels : bois alluvial, bois sur sol frais, oseraie, prairies humides, prairies sur sol frais et zones buissonnantes, etc. C'est l'intrication de ces différents milieux semi-naturels, disposés en ceinture ou en mosaïque autour du plan d'eau, qui est à l’origine de l'incroyable richesse biologique du site de la « Vieille Meuse ». Dans ces sept grands milieux, plus de 300 espèces de plantes ont été recensées, près de 130 espèces d'oiseaux y ont été dénombrées, dont 52 sont nidificatrices.
Le plan d'eau est par ailleurs une frayère importante pour une dizaine d'espèces de poissons: brème, carpe, perche, sandre, gardon, rotengle, brochet… Sur l’ensemble du site, des insectes, des mollusques, des batraciens, des reptiles et des mammifères abondent, parmi lesquels quelques espèces rares ou menacées de disparition en Wallonie. Cette richesse floristique et faunistique indéniable a été comparée à celle observée sur le site de la nouvelle gravière. Sur cette dernière, la colonisation végétale n'est pas encore aussi engagée, mais globalement, les capacités d'accueil du milieu sont comparables.
Sur base des différents relevés et observations réalisés en 1993 et au cours des années antérieures, le Service d’Éthologie propose les grandes lignes d'un plan d'aménagement et de gestion du site de substitution afin d'assurer la pérennité de la biodiversité du site de la « Vieille Meuse » et la cohabitation de ses utilisateurs actuels (pêcheurs, naturalistes, promeneurs). A titre d'essais différents travaux d'aménagements ont ainsi été réalisés début 1994, sous surveillance scientifique, par l’asbl « GENET - interservice ».
Parallèlement aux études de terrain, un projet d'information et de vulgarisation, dirigé par le Service d’Éthologie, est mené par l'asbl « FERN » (Faune, Éducation, Ressources Naturelles), partenaire au projet. Il veut attirer l'attention du public sur la complexité et la fragilité des communautés biologiques. Il s'adresse particulièrement aux promeneurs, naturalistes, ornithologues, pêcheurs, enseignants, enfants des écoles et aux associations culturelles. Il s'est concrétisé par la réalisation d'un film vidéo et de huit panneaux didactiques pouvant constituer une exposition itinérante.
The rivers' backwaters are usually characterized by the richness of their fauna and flora. Such is the backwater locally called « Vieille Meuse ») near Liège (between Visé and Maastricht), at the border of the Netherlands.
Since the ninetecnth cenlury the landscape of the alluvial plain has been deeply modified following on tremendous works.
For instance the site called « Vieille Meuse » originates from a meander which has been cut off from the river Meuse thirty years ago, with a breakwater on its right side. At that time, fishermen’s societies requested for the maintenance of a narrow channel allowing passage of the water from the lower parts of the main river. Thirty years later, the place appeared as a site of high biological interest. However, this didn't prevent the Administration of Public Works from deciding thc construction of a new lock at that place. In 1985, a new gravel-pit was digged out to offer a replacement site for the threatened « Vieille Meuse » where flora and fauna of the meander should be best protected.
For the ten last years, the Ethology Laboratory of the University of Liège (Prof. J.-Cl. Ruwet) has been studying the richness of wildlife of the site « Vieillc Meuse ». It has been officially requested by the Ministry of Public Works (Hydraulic Engineering) to produce an inventory of the biological diversity of the site, and to recommend a plan for the setting up of the new gravel-pit. Accordingly, during the whole year 1993, scientists studied the fauna and the flora of the both sites (the former meander and the new gravel-pit). They have clearly described and caracterized the main birds' habitats and the main spawning sites of fishes.
The results of these studies are most interesting. As a matter of fact, about seven various semi-nalural sites have developped on this relatively confined area (6,8 hectares). Biologists were able to identify more than 300 species of plants and about 130 species of birds, 52 of them beinq nesting species. The reach appeared as an important spawning site for about ten species of fish. All over the site, insects, arachnida, mollucs, batrachians, reptils and mammals are abundant. Some of them belong to the list of the threatened species in Wallonia.
ln comparison with the undeniable richness of wildlife on the site « Vieille Meuse », the growning vegetation of the new gravel-pit isn't yet so lush but the characteristics of the various habitats are quite identical.
So, the Ethology Laboratory worked out a management plan of the gravel-pit in order to protect, as much as possible the biodiversity of the « Vieille Meuse ». Some of these proposals were tested during winter 1994 and carried under scientific supervision of the NPMA « G.E.N.E.T.-Interservice ».
Another partner society, FERN, is in charge of popularizing the experience and of emphazing the fragility of the biodiversity. With this aim in view, a video film and eight didactic panels were created.
Text
References
Bibliographical reference
Christine Keulen, Michèle Loneux, Pascal Poncin and Jean-Claude Ruwet, « La biodiversité : une étude de cas. Le site de Lanaye en Meuse belgo-néerlandaise », Cahiers d'éthologie, 14 (1-2-3) | 1994, 1-286.
Electronic reference
Christine Keulen, Michèle Loneux, Pascal Poncin and Jean-Claude Ruwet, « La biodiversité : une étude de cas. Le site de Lanaye en Meuse belgo-néerlandaise », Cahiers d'éthologie [Online], 14 (1-2-3) | 1994, Online since 23 January 2024, connection on 10 November 2024. URL : https://popups.lib.uliege.be/2984-0317/index.php?id=374
Authors
Christine Keulen
Lic. Zoologie, à charge du contrat
Michèle Loneux
Lic. Zoologie, Assistant ff Conservateur du Musée de Zoologie
Pascal Poncin
Dr. Zoologie, Maître de Conférences, Assistant
Jean-Claude Ruwet
Professeur Chef de Service, Directeur de la Recherche